mardi 27 janvier 2009

L'homme du métro

Tous les jours je le voyais monter. A Stalingrad, juste avant Riquet.
Inévitablement, il s'installait en face de moi. On descendait tous les deux à gare du Nord et après, je prenais vers Clignancourt et lui, je ne savais pas.
J'avais le temps de regarder autour de moi. Tous ces visages si différents, toutes ces tailles, ces vêtements, ces âges...
Je regardais aussi les chaussures : baskets, mocassins, sandales, escarpins, nu-pieds.
Cuir, toile, synthétique.
Et toutes ces odeurs : sueurs aigres ou sucrées, les noires étant plus suaves et les arabes plus acides. Senteurs musquées ou poivrées, fleuries ou boisées.
Parfums de grandes marques ou sent-bon de supermarché.
Lui, je ne sais pas ce qu'il sentait. Je le voyais de face. Il devait me voir aussi avec mes lunettes noires, mon chapeau rabattu sur mon front et mes vêtements quelconques. Je faisais partie de la foule, noyée dans la masse de tous ces individus.
On se regardait réciproquement et sans doute avions-nous les mêmes questions dans la tête : Qui est-il ? Qui est-elle ? Ou peut-être pas...
Il fallait bien forcer le destin, alors...
Un jour, je l'ai suivi.
Il s'est arrêté à Nation. Là, en bas de l'escalier, il y a toujours une dame qui joue de l'accordéon. Les gens la connaissent et lui disent bonjour. J'étais restée là toute une journée et elle avait vraiment fait une bonne recette. Elle m'a remerciée d'être là, à ses côtés.
- Vous êtes mon ange. Vous m'avez porté bonheur.
Pourtant, je ne ressemble pas à un ange, ou si peu.
La dame est là, sur son siège. Je me suis demandée si elle était handicapée, vu qu'elle restait des heures à jouer sans bouger de sa chaise. Je ne suis jamais restée assez longtemps pour le savoir.
Bref, la dame est là et mon voisin de face du métro s'est arrêté. Il écoute la musique.
C'est du Piaf : " Quand il me prend dans ses bras, qu'il me parle tout bas, je vois la vie en rose..."
Je m'arrête derrière lui. C'est drôle, j'ai l'impression que c'est une chanson pour nous, lui et moi.
Il se retourne brusquement car il a senti ma présence. Il me regarde et il sourit.
- Bonjour ! D'habitude vous ne passez pas par ici !
- C'est vrai mais aujourd'hui', c'est différent ! Vous allez où ?
C'est comme un éclair de colère qui traverse son regard et il s'enfuit.
Tant pis pour lui !
Je cours très vite quand il le faut. J'ai juste le temps de le voir sortir mais il n'est pas assez rapide. Il me retrouve sur le trottoir.
- Mais...Comment...?
Il n'en revient pas !
Moi aussi, je suis un peu surprise mais bon, il me plaît ! Ai-je une chance avec lui ?
Je ne sais pas si je peux avoir cette pensée : il me plaît.
Pourtant, elle est là, cette pensée !
Il attend une explication qui ne vient pas, alors il repart et je retourne d'où je viens.
Et puis, un jour qui aurait dû être semblable aux autres, quelque chose se passe...

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